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Kazerne Dossin présente les résultats de ‘Left Behind’

01.02.2022 Projet de recherche

Kazerne Dossin a mené des recherches sur l’histoire des hommes juifs originaires d’Anvers employés comme travailleurs forcés en France pendant la Seconde Guerre mondiale et les familles qu’ils ont laissées derrière eux. « Left behind » met en lumière un chapitre méconnu de la persécution de la population juive d’Anvers par le biais de 3 cartes interactives et fournit une explication remarquable du nombre élevé de déportations dans cette ville.

Ce projet a vu le jour sous l’impulsion de Mme Gaby Morris, d’origine britannique. Celle-ci voulait en savoir plus sur l’histoire de sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale. De nombreux membres de sa famille, parmi lesquels ses grands-parents ainsi que son oncle et sa tante, ont été déportés de la Belgique vers Auschwitz-Birkenau. Gaby s’est tournée vers Kazerne Dossin. Les chercheurs ont très vite fait le lien avec l’« Organisation Todt ».

Entre le 13 juin et le 12 septembre 1942, plus de 2 250 hommes juifs ont été déportés de la Belgique vers le nord de la France comme travailleurs forcés pour l’Organisation Todt (OT), groupe allemand en charge de grands projets de construction tels que le Mur de l’Atlantique, la ligne de défense nazie le long des côtes européennes.

Au moins 1 625 des hommes juifs emmenés de Belgique venaient d’Anvers. Parmi eux, le grand-père de Gaby. Le projet Left Behind met en lumière leur histoire, ainsi que celle des familles qu’ils ont laissées derrière eux à Anvers.

L’équipe de recherche a mis en œuvre des techniques d’analyse micro, macro et spatiale, combinant des histoires personnelles, l’analyse de grands ensembles de données et des éléments temporels et spatiaux dans 3 cartes interactives. Grâce à ces cartes, le grand public peut découvrir l’histoire des familles juives concernées par le biais de témoignages personnels, de documents, d’images et de films.

Les cartes

La première carte présente différents lieux qui jouent un rôle dans cette histoire.

Une deuxième carte illustre le sort des familles restées à Anvers. Basée sur un échantillon de recherche de 628 des 1 625 travailleurs juifs anversois de l’Organisation Todt, elle donne à voir l’impact de la persécution raciale sur 1 501 parents vivant sous le même toit.

Une troisième série de cartes permet de découvrir le parcours de cinq familles de travailleurs juifs anversois de l’Organisation Todt. Chaque histoire est différente, mais toutes illustrent l’impact terrible du travail forcé sur ces familles.

Principaux résultats et conclusions des recherches

Les travailleurs forcés pouvaient échanger des cartes postales avec leur famille et, dans certains cas, un modeste salaire était versé aux parents restés en Belgique. Cela a créé un faux sentiment de sécurité (l’impression, lorsqu’on leur demandait de se présenter, qu’il s’agissait bel et bien d’un « emploi »), qui a poussé les travailleurs à ne pas fuir les camps de travail et leurs familles à rester à leur adresse légale à Anvers. Cela a eu des conséquences désastreuses.

Une analyse statistique des chercheurs montre les taux de déportation suivants :

  • 84,82 % pour les travailleurs anversois de l’Organisation Todt
  • 73,52 % pour leurs proches.

À titre de comparaison, ce taux s’élève à :

  • 56,03 % pour l’ensemble de la population juive d’Anvers
  • 45 à 50 % pour l’ensemble de la population juive de Belgique.

Les résultats de la recherche indiquent que le travail forcé effectué par les hommes juifs d’Anvers pour le compte de l’Organisation Todt, et l’impact que celui-ci a eu sur leur destin et celui de leurs familles, expliquent pour beaucoup le nombre plus élevé de déportations à Anvers par rapport aux autres grandes villes de Belgique et au taux de déportation général du pays.

La cartographie des données temporelles et spatiales devrait également, selon l’équipe de Kazerne Dossin, contribuer et avoir un impact croissant sur les analyses universitaires approfondies.

Peut-être ne parviendrons-nous jamais à assembler toutes les pièces du puzzle que forme l'histoire de la population juive et de sa persécution, mais cette analyse nous permet déjà de mieux comprendre les événements qui se sont déroulés à Anvers à cette époque de persécution et de déportation ainsi que les aspects qui ont influencé les chances de survie de tant de victimes innocentes.
Et cela est essentiel, non seulement en mémoire des victimes, pour les survivants et leurs proches, mais aussi pour l'ensemble de notre société. Car en tant que société, nous avons le devoir de nous souvenir, de réfléchir et de tirer des leçons de ces événements afin d'apprendre en permanence à réfléchir et à agir de manière critique et d'évoluer ainsi vers un monde respectueux des droits de chaque être humain.

Veerle Vanden Daelen

Avec nos remerciements à :

Gaby & Howard Morris qui ont inspiré et parrainé l’initiative

La ville d’Anvers pour son soutien et les cartes interactives

European Holocaust Research Infrastructure

Et bien d’autres…

Informations pratiques

Interviews : Dr Veerle Vanden Daelen, directrice adjointe, responsable des archives & de la recherche à Kazerne Dossin